Des images comme des « chuchotements photographiques », Jeanne Grouet travaille principalement le médium pour mettre à nu le caractère ténu des liens de l’intime. Une intimité nichée dans nos liens aux autres tout comme dans notre rapport à notre environnement quotidien. Questionner notre rapport à l’immédiateté du visible et tenter d’extraire l’éternel du transitoire comme a dit Baudelaire. À travers l’exploration de la notion de frontières, tant sur le plan géographique, pictural que sensoriel, elle interroge ses limites présumées et le principe d’exclusion ou d’inclusion. Le postulat de la porosité des frontières - comme celle du médium photographique - pour se pencher sur leurs possibilités de glissement et de changement de sens. Une approche photographique qui donne naissance à une recherche plastique toujours imbriquée dans une histoire intime. Son travail peut se penser selon trois grands axes, chacun donnant naissance à l’autre, sans primauté et s’alimentant mutuellement. Pas de barrières là non plus, mais plutôt une façon de segmenter son monde visuel ; des « notes de recherches » sur ce qu’elle enregistre photographiquement, comme une tentative « perécienne » de compréhension du monde.
Une forme qui en cache d’autres ?
Au commencement ou à la fin alors, un attrait pour la forme, pour ce que le monde possède intrinsèquement de lignes, de courbes, de géométrie : en extraire l’impact visuel et les répercussions émotionnelles. Penser que ce que nous appelons « Art » comme déjà là, présent autour de nous. Redonner de l’attention pour penser la couleur effacée d’un mur comme potentielle métaphore d’une histoire passée ; questionner ce que le contour visuel des choses et des êtres contient de pré-pensé, pré-inscrit en nous. Une photographie-forme-pensées. Le postulat que la forme pure n’existe pas, qu’elle contient déjà ce que nous allons y projeter de nous-même. Qu’elle va puiser en nous ce qui n’est pas formulable par les mots. S’appuyer sur l’abstraction comme possibilité d’ouverture, comme « potentiel- plein » : un territoire loin d’être vierge, rempli de nos affects, de nos préjugés, de nos pensées intimes, ayant la capacité de nous faire reformuler ces acquis. Comme Haruki Murakami le dit, toute perception est peut-être déjà mémoire.
Une image qui en cache d’ autres ?
Explorer la capacité des images à susciter d’autres images mentales, comme des pulsations, des battements de cœur. Des voix murmurées qui nous racontent une histoire, s’exprimant dans un langage inconnu mais universel, comme une lingua ignota. Puiser dans l’image ce qu’elle contient intrinsèquement de force émotionnelle, de capacité à nous aider à réfléchir à notre environnement, à notre rapport au monde. Pour ce que la couleur ou la matière peuvent convoquer, pour ne pas penser la photographie qu’en terme de vision mais également comme une façon de voyager dans le temps, de l’étirer ou de le mettre sur pause. Rapprocher des images qui n’ont pas de rapport direct les unes avec les autres pour les faire communiquer ; pour faire émerger ce lien intime qu’elles peuvent développer une fois rapprochées. Inventer une histoire comme on crée un plat, avec des associations de goûts et de textures, provenant de plusieurs parties du monde, mais formant un tout. Un tout plus vaste que l’association de ses parties.
Un mot qui en cache d’autres ?
Déjà là en filigrane, par les textes enveloppant chaque groupe d’images, chaque série, le mot. Un image-texte, un accouplement du mot et de l’image. Ne pas choisir de prévalence entre le texte ou l’image, mais un enrichissement mutuel de l’un par l’autre, être à deux pour être plus complet. Est-ce l’image qui s’oriente grâce au mot, ou le mot qui s’élargit par l’image ? Pour créer peut-être des images d’un autre ordre, pour se demander si l’on a vu ou lut. Créer ainsi une chorégraphie de l’image et du texte, penser leur sens mais également la forme visuelle de leur association. Dans ce chapitre, le mot intervient également comme outil pour comprendre, face à des images qui résistent à donner leur secret, tenter de percer leur mystère ou du moins de proposer un sens parmi d’autres potentiel multiples. Des mots et des images qui racontent une histoire sans personnage, sans scénario défini, sans fin véritable, sans réel commencement. Comme si l’on ouvrait un livre par son milieu. Introduire au cœur de l’image le son des mots, le son de la voix comme témoignage, aussi subjectifs qu’ils soient.
Jeanne Grouet's images are like “photographic whispers”, she mainly works the medium to expose the tenuous nature of intimate relationships.. An intimacy nestled in our ties to others, just as in our relationship to our everyday environment. Questioning our relationship to the immediacy of the visible, and attempting to extract the eternal from the transitory, as Baudelaire put it. By exploring the notion of borders, whether geographical, pictorial or sensory, she questions its presumed limits and the principle of exclusion or inclusion. Postulating the porosity of borders - like that of the photographic medium - she examines their potential to shift and change meaning. A photographic approach that gives rise to an artistic research that is always interwoven with an intimate history. Her work can be thought of in terms of three main axes, each giving rise to the other, without primacy, and feeding off each other. No barriers here either, but rather a way of segmenting her visual world; “research notes” on what she records photographically, like a “perécienne” attempt to understand the world.
A shape that hides others?
In the beginning or in the end, then, an attraction to form, to what the world intrinsically possesses in terms of lines, curves and geometry: to extract its visual impact and emotional repercussions. To think that what we call “Art” is already there, all around us. Giving attention back to thinking about the faded color of a wall as a potential metaphor for a past history; questioning what the visual outline of things and beings contains of pre-thought, pre-inscribed in us. A thought-photograph. The postulate that pure form doesn't exist, that it already contains what we're going to project into it. That it will draw from us what cannot be formulated in words. Relying on abstraction as a possibility for opening up, as a “full potential”: a territory far from virgin, filled with our affects, our prejudices, our intimate thoughts, with the capacity to help us reformulate them. As Haruki Murakami says, all perception is perhaps already memory.
An image that hides others?
Exploring the ability of images to trigger other mental images, like pulsations, heartbeats. Whispered voices telling us a story, expressed in an unknown but universal language, like a lingua ignota. Drawing from images what they intrinsically contain in terms of their emotional power and their ability to help us reflect on our environment and our relationship with the world. For what color or material can conjure up, to think of photography not just in terms of vision, but also as a way of traveling through time, stretching it or putting it on pause. Bringing together images that have no direct relationship with one another to make them communicate; to bring out the intimate bond they can develop once brought together. Inventing a story like creating a dish, with associations of tastes and textures from different parts of the world, but forming a whole. A whole greater than the association of its parts.
A word that hides others?
Already there in the watermark, in the texts enveloping each group of images, each series, the word. An image-text, a coupling of word and image. No prevalent choice between text and image, but a mutual enrichment of one by the other, two to be more complete. Is it the image that is guided by the word, or the word that is enlarged by the image? Perhaps to create images of a different order, to ask ourselves whether we've seen or read. In this way, we can create a choreography of image and text, thinking about both their meaning and the visual form of their association. The word is also used as a tool for understanding, in the face of images that resist revealing their secret, in an attempt to unravel their mystery, or at least to propose a meaning among other potentially multiple meanings. Words and images that tell a story without a character, without a defined scenario, without a real end, without a real beginning. Like opening a book from the middle. Introduce the sound of words, the sound of voice as testimony, subjective as it may be, into the heart of the image.
After a degree in cinema at the Sorbonne, she graduated from the Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles in 2014.
After working for 6 years in a cultural communications agency (Brunswick Arts) and as a manager in contemporary galleries (La Galerie Rouge and Jean-Kenta Gauthier), she now devotes herself entirely to photography.

Expositions, prix 
2024: Musicophotographie, Metz.
2024: Pré-sélection Athens Photo Festival.
2024 et 2023: Présentation d’un extrait du projet Le Laser Vert avec l’association Arrimage pour le festival « Territoires en Images » , Centre culturel du Crous et Institut de Géographie, Paris. Mention Spéciale du Jury.
2023 : Présentation du film Le Laser Vert, Sajede Sharifi & Jeanne Grouet, Maison Européenne de la Photographie, 16 septembre, Paris
2023 : Projection du film Le Laser Vert, La Nuit de la Roquette, 6 Juillet, Arles
2020 : Ruskaïa, Galerie Agathe Gaillard, Paris, exposition de quatre photographes autour de la Russie et de l’Iran
2019 : Mother Earth, Téhéran, Jee Art Gallery, duo show, 6 août - 6 septembre 2 • Résidence d’un mois en Iran avec Jee Art Gallery
2016 : Le pont bleu au-dessus du rail, Shakirail, 7 - 17 avril
2014 : Échappées Belles, Palais de l’Archevêché, Arles, 6 - 8 juin
2014 : Mixed Border, La Friche Belle de Mai, Marseille, 31 août - 26 octobre
Regards contemporains sur le patrimoine photographique, Musée départemental d’Arles Antiques, Arles, 3 - 14 décembre 2014
Commande photographique en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure de la Photographie d’Arles pour l’hôtel le Calendal, Arles, avril 2018
Éditions et publications
2023 : Fisheye Magazine, Pour l'espoir de passer de la nuit au jour, août 2023
Fisheye Magazine, Visions et destins croisés, juin 2020
Fisheye Magazine, Féminin : un amour commun l'un pour l'autre, mars 2020
Échappées Belles, Editions Diaphane, 2014
Patrimoine Photographié, Nouvelles éditions Scala, 2014
Land and Story, auto édition 2016
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