Certains pans de la réalité procure une envie presque boulimique de capturer des images. Le regard s’affole et voudrait d’un geste enregistrer tous ces détails de la matière, de la couleur.
Là, l’argentique ne permets pas de satisfaire une telle envie. Alors, au numérique, j’enregistre sans compter. Une sélection stricte s’en suit et les fichiers non sélectionnés, supprimés. Ceux qui restent sont imprimés en petit format sur papier standard et re-photograpahiés, cette fois, à l’argentique. C’est cette troisième image qui m’intéresse.
Est-ce une façon de s’éloigner de la réalité ? De la faire mienne différemment ? Ou au contraire, ce temps de latence, cette distance temporelle et physique d’avec l’objet photographié est-il une façon de se rapprocher, de faire un pas de plus en direction de ce que j’appelle moi « réalité »? 
Cette série, Fronteira, est issue de ce processus.
Disposée en une ligne horizontale, comme une ligne d’horizon jamais atteignable, dont le début pourrait être la fin et réciproquement, Fronteira se compose de 36 images. Nombre choisit pour reformer l’unité de la pellicule, comme s’il était possible d’imprimer sur le film une seule et même histoire, sans coupures, sans ratages. C’est évidemment un montage, qui porte le titre d’un marquis portugais - le marquis de Fronteira (frontière), dont le nom provient de ses exploits pendant la guerre de restauration au 17ème siècle, guerre qui rend au pays son indépendance face à la colonisation espagnole.
Les frontières réelles et symboliques sont restaurées. Ici, elles prennent la forme d’un mur bleu, marqué par le temps, disparaissant par endroits sous la végétation. Les marques du temps, ce bleu qui devient pale, les fissures qui se créent viennent dégrader sa surface.
Peut-on y lire l’histoire d’un pays ? Non bien sûr, mais on peut le lire comme simple métaphore des traces que le temps laisse sur nous, rendant plus complexe les molécules des êtres qu’il vient altérer.
C’est aussi une plongée visuelle dans la couleur, qui porte en elle une émotion, une beauté, et vient apporter un temps de pause face au mouvement du monde. Un temps d’arrêt pour respirer et regarder.
Certain aspects of reality give rise to an almost bulimic desire to capture images. The eye becomes frantic, wanting to record all those details of matter and color in a single gesture.
But film doesn't satisfy this urge. So, with digital, I record without counting the shots. A strict selection is then made, and unselected files are deleted. Those that remain are printed in small format on standard paper and re-photographed, this time using analog photography. It's this third image that interests me.
Is it a way of distancing myself from reality? To make it mine in a different way? Or on the contrary, is this latency, this temporal and physical distance from the object photographed, a way of getting closer, of taking a step closer to what I call “reality”?
This series, Fronteira, is the result of this process.
Arranged in a horizontal line, like a never-reachable horizon, whose beginning could be the end and vice versa, Fronteira is made up of 36 images. This number was chosen to re-establish the unity of the film, as if it were possible to print a single story on the film, with no cuts, no failures. It is, of course, a montage, named after a Portuguese marquis - the Marquis de Fronteira (frontier), whose name derives from his exploits during the 17th-century War of Restoration, which restored the country's independence from Spanish colonization.
Real and symbolic borders are restored. Here, they take the form of a blue wall, marked by time, disappearing in places beneath the vegetation. The marks of time, this pale blue, the cracks that appear, degrade its surface.
Is it possible to read the history of a country? No, of course not, but it can be read as a simple metaphor for the traces that time leaves on us, making the molecules of the beings it alters more complex.
It's also a visual plunge into color, which carries with it an emotion, a beauty, and provides a moment's pause in the face of the world's movement. A pause to breathe and observe.


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