Quatrième de couverture
Deux ans et un mois plus tard, la voilà enfin arrivée. Seule, comme elle l’a souhaitée, même exigée, elle pousse la porte au battant bleu. Là, comme un coup d’aile qui fait voler en éclat la fatigue du voyage, l’essoufflement provoqué par la montée de ces centaines de marches, l’irréalité ou la futilité même de cette démarche. Une nouvelle respiration l’envahit et la ramène au cocon de l’enfance une fois que sous ses yeux se déploie la familiarité de ce paysage. Le temps s’arrête et s’alourdit. L’image gravée dans sa mémoire se superpose au millimètre près avec ce qu’elle a sous les yeux. Rien n’a changé. Rien n’a bougé. La décalcomanie est parfaite. Ce lieu habité par l’ombre d’une présence. La trace fantomatique de sa voix, de ses gestes et habitudes, qui hantent avec tant de plaisir cet espace. Quel écho dans les images ?
Elle n‘a jamais quitté cette île. Elle pose sa valise précautionneusement dans un coin, puis pose ses chaussures. Le contact de la pierre sous ses pieds lui avait manqué. Ses pas feutrés, les regards en coins qu’elles jettent ici et là se transforment vite en une démarche pleine d’assurance et en air de propriétaire. Elle est bien chez elle. Pour un temps du moins. Mais 31 jours ici ressemblent à une vie entière. Plus rien d’autre ne compte. 31 jours qui vont la faire renaitre, l’essouffler, puis la voir disparaitre. Ouvrir les portes. Toutes. Celle de la cuisine, petite pièce vieillotte et séparée, qui se trouve juste là sur la gauche, puis celle du bas, celle de la salle de bain d’une blancheur si rassurante. Qu’une seule idée en tête après cela. Se changer, enfiler un maillot de bain et descendre aux rochers. Une joie mêlée d’appréhension la saisit quand à peine une heure plus tard elle referme derrière elle, pour la première fois depuis si longtemps, la porte bleue. Suis-je vraiment là? Ce sentiment d’irréalité ne la quittera jamais vraiment. Mais il est doux de ne pas toujours savoir si l’on est en train de vivre ou de rêver. Le doute de l’intégrité du souvenir...se souviendra-t-elle du chemin pour y parvenir ? Mais ses pieds semblent savoir et la portent sans qu’elle ait à réfléchir vers cette mer et vers ses rochers. Oui, les siens, les leurs, mais les siens uniquement aujourd’hui. Elle n’a pas a les partager comme autrefois.
Cette pointe au coeur en réalisant qu’il ne reste plus que l’écho de ses propre pas. Quelle nécessite de ramener des images ? À part pour dire : j’ai été là. J’ai existé. Pour fusionner le passé et le présent, rompre la ligne temporelle, se perdre dans la non-linéarité des images. Un temps, un lieu, une mémoire refaisant surface.